Les maudits français
Paroles et Musique: Lynda Lemay 2000 "Du coq à l'âme"
© WEA
Y parlent avec des mots précis
Puis y prononcent toutes leurs syllabes
À tout bout d'champ, y s'donnent des bis
Y passent leurs grandes journées à table
Y ont des menus qu'on comprend pas
Y boivent du vin comme si c'était d'l'eau
Y mangent du pain pis du foie gras
En trouvant l'moyen d'pas être gros
Y font des manifs aux quart d'heure
À tous les maudits coins d'rue
Tous les taxis ont des chauffeurs
Qui roulent en fous, qui collent au cul
Et quand y parlent de venir chez nous
C'est pour l'hiver ou les indiens
Les longues promenades en Ski-doo
Ou encore en traîneau à chiens
Ils ont des tasses minuscules
Et des immenses cendriers
Y font du vrai café d'adulte
Ils avalent ça en deux gorgées
On trouve leurs gros bergers allemands
Et leurs petits caniches chéris
Sur les planchers des restaurants
Des épiceries, des pharmacies
Y disent qu'y dînent quand y soupent
Et y est deux heures quand y déjeunent
Au petit matin, ça sent l'yaourt
Y connaissent pas les œufs-bacon
En fin d'soirée, c'est plus chocroute
Magret d'canard ou escargots
Tout s'déroule bien jusqu'à c'qu'on goûte
À leur putain de tête de veau
Un bout d'paupière, un bout d'gencive
Un bout d'oreille, un bout d'museau
Pour des papilles gustatives
De québécois, c'est un peu trop
Puis, y nous prennent pour un martien
Quand on commande un verre de lait
Ou quand on demande : La salle de bain
Est à quelle place, S.V.P ?
Et quand ils arrivent chez nous
Y s'prennent une tuque et un Kanuk
Se mettent à chercher des igloos
Finissent dans une cabane à sucre
Y tombent en amour sur le coup
Avec nos forêts et nos lacs
Et y s'mettent à parler comme nous
Apprennent à dire : Tabarnak
Et bien saoulés au caribou
À la Molson et au gros gin
Y s'extasient sur nos ragoûts
D'pattes de cochon et nos plats d'binnes
Vu qu'on n'a pas d'fromages qui puent
Y s'accommodent d'un vieux cheddar
Et y se plaignent pas trop non plus
De notre petit café bâtard
Quand leur séjour tire à sa fin
Ils ont compris qu'ils ont plus l'droit
De nous appeler les Canadiens
Alors que l'on est québécois
Y disent au revoir, les yeux tout trempés
L'sirop d'érable plein les bagages
On réalise qu'on leur ressemble
On leur souhaite bon voyage
On est rendu qu'on donne des becs
Comme si on l'avait toujours fait
Y a comme un trou dans le Québec
Quand partent les maudits français
J'ai battu ma fille
Paroles et Musique: Lynda Lemay 2000 "Du coq à l'âme"
© WEA
Je hurle comme une folle
Qu'elle me laisse donc tranquille
Soudain, mon bras s'envole
Jusqu'à sa peau fragile
Puis je fixe en silence
Ses yeux qui s'écarquillent
Étonnés d'ma violence
Couchée dans l'corridor
Abattue comme une quille
Elle me répète à mort
Que je ne suis pas gentille
Et devant son petit corps
Qui se recroqueville
J'me confonds en remords
J'ai battu ma fille
Moi qui couvrais de blâme
Tous ces idiots en rogne
Qui disent aimer leur femme
Et du même coup la cognent
Je veux la consoler
Mais je reste immobile
J'ai plus l'droit d'la toucher
J'ai battu ma fille
Je voudrais qu'elle me frappe
Je voudrais qu'elle se venge
Qu'elle me rende ma tape
Avec sa p'tite main d'ange
Au lieu d'voiler de larmes
Ses yeux qui me torpillent
Je suis une pauvre femme
j'ai battu ma fille
Tout c'que j'arrive à dire
C'est : Monte dans ta chambre
Maman va t'avertir
Quand tu pourras r'descendre
On dirait ma vieille mère
Faut croire que c'est d'famille
Que c'est hériditaire
J'ai battu ma fille
Tout d'suite, elle m'obéit
Ma foi, je lui fais peur
J'attends qu'elle soit partie
Avant de fondre en pleurs
Je suis inconsolable
Je suis une imbécile
Je suis impardonnable
J'ai battu ma fille
Je sais pas c'qui m'a pris
Ça s'est passé trop vite
C'est elle que je punis
C'est moi qui le mérite
Demain au déjeuner
Je remplirai son bol
D'ses céréales sucrées
Celles dont elle raffole
J'y ajouterai des dattes
Pour que ses yeux pétillent
Comme avant que j'la batte
Ma fille
Crétin
Paroles et Musique: Lynda Lemay 2000 "Du coq à l'âme"
© WEA
Y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un pépin
Toujours un trouble-fête
Y a toujours un crétin
Y a toujours un caniche
Qui parle en espagnol
Qui t'fournit en alcool
Pour t'emmener dans sa niche
Y a toujours un nerveux
Qui t'renverse ton drink
Y a toujours un curieux
Qui demande : C'est quoi ton signe ?
Y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un pépin
Toujours un trouble-fête
Y a toujours un crétin
Une petite tête de linotte
Qui te rote en plein visage
Les dents peines d'échalotes
Et de crottes au fromage
Y a toujours un raseur
Une tête à pellicules
La bouche en tentacule
Qui t'embrasse aux demi-heures
Y a toujours un mononcle
Qui peigne sa calvitie
Y a toujours un jeune punk
Qui s'brandit le squeegee
Y a toujours un gorille
Avec une gueule de tueur
Qui vient de demander l'heure
Avec une petite voix d'fille
Y a toujours un épais
Les deux petits yeux tout croches
Les deux mains dans les poches
Qui s'brasse la monnaie
Toujours un philosophe
La gueule remplie d'questions
La gueule bordée d'boutons
Mais pas d'boutons on-off
Toujours une tête enflée
Qui pue l'cigare cubain
Qui s'amuse à retourner
Toutes les bouteilles de vin
Toujours un obsédé
Qui est là, qui s'casse la nuque
Assis dans l'escalier
Pour voir en dessous des jupes
Y a toujours un vieux riche
Une haleine de fond d'tonne
Qui est là qui t'postillonne
Ses p'tits restants d'sandwichs
Non, y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un requin
Toujours un malhonnête
Y a toujours un crétin
Y a toujours un colon
Qui défile les farces plates
Toujours un cabochon
Qui veut t'tirer aux cartes
Non, y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un radin
Toujours un pique-assiette
Y a toujours un crétin
Je
suis grande
Paroles et Musique: Lynda Lemay 2000 "Du coq à l'âme"
© WEA
J'ai envie
d'fumer des américaines
Et de me rouler des jamaïcaines
J'ai envie de boire jusqu'à vaciller
Jusqu'à ne plus voir qui va m'déshabiller
Et puis j'ai envie d'partir en bateau
Avec des bandits vêtus en matelots
J'ai envie de rire, rire jusqu'à souffrir
J'ai envie de ça, mais je n'ose pas
Car moi
Je suis grande, je suis raisonnable
Je donne l'exemple, je suis responsable
Je n'teins pas mes cheveux
J'ai pas de béquilles
J'ai l'respect des vieux
Et de la famille
Je vais à l'église
Je suis ménagère
J'suis toujours bien mise
Et jamais vulgaire
J'n'ai pas eu de crise à l'adolescence
Faut qu'on m'intronise, qu'on me donne un sens
J'ai envie de trouver au fond de mon ventre
Une passion cachée, sauvage et brûlante
J'ai envie d'courir toute nue sur une plage
Imiter l'soupir d'un grand coquillage
Et puis j'ai envie, envie de danser
Pour n'importe qui et me faire payer
J'ai envie de vivre, plutôt, de survivre
J'ai envie de ça, mais je n'ose pas
Car moi
Je suis grande, je suis raisonnable
Je donne l'exemple, je suis responsable
Je n'fais pas d'bêtises, je n'ai pas cette chance
Faut qu'on m'intronise, qu'on me donne un sens
Si elle ressemble à ça
La vie après la vie
J'envie ceux qui n'vont pas au paradis
Moi j'ai gagné mon ciel
Comme disent les fidèles
Qui ne s'offrent un péché
Que lorsqu'il est véniel
J'ai envie d'crever ma bulle de cristal
Et d'laisser rentrer quelques langues sales
J'ai envie d'baisser mes bras de femme forte
Envie d'accepter qu'la vague m'emporte
J'ai envie d'troquer mes bonnes manières
Contre un peu d'plaisir et un peu d'poussière
J'ai envie de jouir, jouir jusqu'à mourir
J'ai envie de toi
Mais je n'ose pas, car moi
Bravo !
Je suis grande, je suis raisonnable
Honnête et patiente, bonne et charitable
J'ai la tête froide, je m'oublie pour d'autres
Mais c't'un cœur malade qui bat dans mes côtes
Je me sens petite, je me sens fragile
Et j'ai l'eau bénite qui me monte aux cils
Quand j'te vois partir
Parce que j't'ai chassé
Comme pour me punir
De te désirer
La
lune et le miel
Paroles et Musique: Lynda Lemay 2000 "Du coq à l'âme"
© WEA
T'avais peut-être
quatorze ans
T'avais encore la tête velue
T'avais des clôtures plein les dents
La première fois que je t'ai vu
Tu jouais encore avec ta fronde
Je jouais encore à la marelle
Quand on s'est promis mer et monde
Et puis la lune et puis le miel
Tu as été mon premier homme et moi, ta première pucelle
Et c'est sur la banquette arrière
De la voiture de ton père
Que j'priais Dieu pour qu'y m'pardonne d'être déjà en train de faire
Ce qui, pour moi, ne pouvait être
Que de l'amour éternel
T'étais peut-être en train de jouir
Ou peut-être en train de muer
Quand tu m'as dit : Ça fait plaisir
D'savoir que l'on est le premier
Un peu jaloux, un peu conscient
Qu'aimer toujours, ça dure longtemps
Surtout quand on a quatorze ans
Et qu'on a toute la vie devant
T'avais le crâne dégarni quand je t'ai vu y a quelques jours
T'es déménagé près d'ici
T'as des clôtures dans ta cour
Tu jouais encore comme un gamin à faire le tour de ta maison
À faire le tour de ton jardin
Sur un p'tit tracteur à gazon
T'avais peut-être 34 ans
Et encore une bonne dose de charme
T'avais la garde de tes enfants
Mais t'avais pas gardé ta femme
Moi, j'étais plus ronde et plus blonde
Sans aucun doute, un peu moins belle
J'n'avais connu ni mer ni monde
Et ni la lune et ni le miel
J'étais là, devant ta demeure, plantée comme un grand tournesol
T'es descendu d'ton petit tracteur
Tout en sueur, en camisole
Tu m'as fait le cœur tout crispé et le visage tout écarlate
Quand ton sourire m'a dévoilé
Ta belle rangée de dents droites
On est sorti de nos trentaines
On a rechaussé notre jeunesse
Dans une voiture qui était la tienne
On s'est aimé à toute vitesse
T'étais peut-être en train de jouir
Ou peut-être en train de pleurer
Quand tu m'as dit : Ça ferait plaisir
D'savoir que je serais le dernier
Les
mains vides
Paroles et Musique: Lynda Lemay 2000 "Du coq à l'âme"
© WEA
J'ai les mains
vides
J'ai tout échappé, j'ai pas les paumes solides
J'ai les mains vides
J'ai déjà tout payé, c'était de l'amour liquide
J'ai les mains vides
J'ai même léché un à un mes doigts avides
J'ai les mains vides
J'ose pas redemander, je suis un peu timide
J'ai les mains vides
Un peu pressées, mais vraiment pas assez rapides
J'ai les mains vides
J'n'ai dans le doigt qu'une vieille épine de rose
Et je m'obstine
À ne garder que le mauvais côté des choses
J'ai les mains vides
Elles se tordent dans mon dos, elles se grattent
J'ai les mains moites
À force de ne pas s'ouvrir, elles se battent
J'ai les mains libres
Et je sais bien que c'est parce qu'elles sont maladroites
J'ai les mains vides
À force de ne toucher que du bout des doigts
À force de prendre trop de rose à la fois
À force de n'avoir rien su garder de toi
Qu'une blessure
J'ai les mains vides
J'ai mal tenu à ce que tu leur appartiennes
J'ai les mains vides
J'ai rien qu'envie de les remettre au fond des tiennes
J'ai les mains tristes
D'avoir déjà su ce que c'est que d'être pleines
Elles s'en souviennent comme on se souvient de sa seule grande peine
Et mon doigt saigne
Ta rose est morte quant même que sa tige baigne!
J'ai les mains vides
À force de ne toucher que du bout des doigts
À force de prendre trop de roses à la fois
À force de n'avoir rien su garder de toi
Qu'une blessure au bout des doigts